vendredi 21 mai 2010

jours de pluie

tout à l'heure, les garçons attendaient déjà devant la porte avec leurs instruments, et j'ai ouvert les deux battants de la fenêtre pour laisser entrer la lumière. La décision prise d'un même coeur apaise, et les projets.

La pluie du matin, en traversant le parc mon thermos de café coloré dans la main, j'étais surprise de voir A. dans le séminaire. Les rires avec les autres, A. et S. partagent des baguettes au fromage, un gobelet de café, mon thermos, et le professeur qui regarde parfois comme un père qui gronde pour rigoler, vous n'avez rien à ajouter, vous, le groupe du fond, avec vos victuailles? Le cours sur la musique de cour japonaise tellement soporifique, une discussion par sms avec les autres, de l'autre côté de la fenêtre, j'imprime mon contrat et les rejoins dans un café, où nous avons finalement beaucoup à ajouter aux présentations du matin.


Un bol de pâtes, un grand verre d'eau, la pluie à recommencé à tomber doucement, les arbres devant la fenêtre, et une présentation de séminaire à rédiger.

Il avait quinze mille livres. Et il les avait tous lu, certains deux fois, trois fois. Et au petit garçon qui affirmait devant cette imposante bibliothèque So viele Bücher kann man nicht lesen, il avait répondu: Man nicht. Manfred schon. Ce serait beau s'il était encore là.

mercredi 19 mai 2010

Il aurait fallu qu'il fallait

Il aurait fallu crier, se gifler avec les mots, se dire la haine, la chair qui saigne, les yeux qui brûlent, les oreillers trempés et les cernes, les maladresses, les blessures, le mépris, le dégout. Ou construire une barrière de silence.

Mais,

la nausée du gaz qui flotte dans l'appartement, tu as ouvert les fenêtres, tu ne savais pas qui appeler, et sa voix, rassurante, sans nuages. Tu aurais voulu la colère, des injures peut-être, hurler dans le combiné, oser enfin. Pour avoir encore plus mal. Sans doute.

Le concert de ce soir était très beau.

lundi 17 mai 2010

je fais des films parce que j'arrive pas à vivre les choses

Sur le petit sofa, entre les coussins aux grandes fleurs, j'écoute Simon&Garfunkel, un bol de risotto feta-courgette-tomates séchées sur les genoux. Tout à l'heure, j'ai fait les muffins au pépites de chocolat de mingou, et pour la première fois, mon four à gaz n'a pas tout brûlé. Et puis j'hésitais à l'appeler, parce que je ne supporte plus de manger seule. Quelques fois je voudrais juste sa présence, lui dans un fauteuil, mémorisant ses répliques, moi dans la cuisine, préparant le goûter, en fermant la porte pour ne pas le déranger, parce que j'écoute toujours de la musique en faisant la cuisine.

Parfois j'imagine une maison minuscule perdue dans un immense jardin. Avec une grande cuisine rassurante et plein de visages autour de la table, des déjeuners sous la tonnelle, un arbre de lilas devant la fenêtre de la chambre à coucher, des heures à lire dans une vieille balançoire attachée à une branche de pommier en fleur. Parfois je n'en peux plus des murs de la ville qui repoussent le ciel, des façades interminables de fenêtres, des lignes de goudron qui ont étouffé les mimosas et les pâquerettes, des lumières de la ville qui tuent les étoiles.

Je voudrais la muraille du Királyi Vár, dans cette nuit chaude de mai, couchée sur le dos, pendant que les garçons discutent, regarder les étoiles, se fondre dans l'immensité, pendant des heures. Je voudrais les nuits à la belle étoile de mon adolescence, les légendes oubliées autour du feu, les étoiles filantes que l'on guette en s'empressant de faire un voeu, les saucisses piquées dans un bâton, les pommes dans les braises, l'odeur chaude et épicée des pâturages. Je voudrais les bols de cheerios partagés le matin devant la télé, la chambre minuscule avec la grande fenêtre qui donnait sur le ciel, les rangées de maisonnettes avec leurs jardins soignés, les parcs immenses, la librairie de Muswell Hill, Les quais de la Tamise, les immenses pique-niques, les virées à la mer.

Je ne vis pas les choses pour faire des films, je fais des films parce que je ne sais pas vivre les choses, je crois que c'est plutôt ça.

A la bibliothèque, cela faisait longtemps, et j'ai recherché de la littérature pour un travail qui me tient beaucoup à coeur, je me suis surprise à oublier le temps, et puis j'ai couru au bâtiment principal, tout en haut, l'amphi de littérature comparée, et la liste des livres à lire s'allonge, c'est comme si dans mes bras je voulais enlacer toujours plus, la terre entière, et j'ai eu le vertige, alors dans le parc, je me suis assise avec un gobelet de café pour respirer un peu et perdre mon regard dans les arbres.

samedi 15 mai 2010

c'est ce petit coin où l'herbe ne repoussera plus

les jours passés flottent, c'est la profondeur qui leur manque, parce que tu ne veux pas creuser, tu sais qu'il n'y a rien, et ce vide, ce parfum que tes lèvres ne goûtent plus, tu voudrais l'ignorer, alors tu effleures délicatement la surface, en prenant soin de ne pas chercher la matière. Mais dans les chromatismes de Zemlinsky, tu sens à quel point tout crie vers cette profondeur, et l'autre nuit, où vous aviez un peu trop bu, il t'a pris contre lui pour te réchauffer, c'était sur la même place que la première fois, en attendant le même bus de nuit. Six mois ont coulés, six mois ont effacé peut à peu la couleur, et lorsque tu es sortie, le baiser était sur la joue. Et puis tu as appelé dans la nuit, comme si cela pouvait effacer le temps passé, comme si vous pouviez revenir aux premières étreintes.

mercredi 12 mai 2010

le temps de vivre

Toute la nuit, les plateaux étaient si lourds, flûtes de champagne, campari soda, vodka-redbull, les entrées décorées avec des fleurs de violettes, l'assiette des trios de risotto et poisson que j'aurais aimé goûter, les coupes de desserts, les caméras de la télévision, la musique trop forte, mixer des cocktails pour la première fois, goûter un Kaiserschmarn et boire de l'alcool fort avec les autres, toujours une nouvelle création de A., les mains du chef qui tremblent, le va et vient, assiettes pleines, assiettes vides, la ruée sur les chafing dishes à trois heures du matin, avec des minuscules fourchettes à dessert, et puis les bières pendant les rangements, les rues vides de Vienne, à la recherche d'un café ouvert un mardi matin à quatre heures, décider de rentrer en citybike et S. qui oublie son mot de passe, le canal dans les premières lueurs du jour, la lune en mince croissant au-dessus de l'Urania.

A peine plus tard, il y a le cours de littérature russe, le parc traversé avec le thermos de café brûlant, quelques fraises et des Topfenbällchen dans le métro, l'écolage dans le 23ème, les piles d'assiettes en équilibre précaire, le service comme un ballet. Et puis la glace chez Tichy, le meilleur glacier de Vienne, mangée sur le Reumannplatz au soleil, quitter le métro trop tôt pour marcher encore le long du canal, les confidences le dos à la coupole en verre et les miroitement du soleil dans l'eau, et longtemps après, le hotdog au Würstelstand, avant de se quitter.

Se réveiller à cinq heures et demies le lendemain matin, faire chauffer du café et couper des fraises, et se réjouir de jouer du piano, maintenant, là tout de suite.

dimanche 2 mai 2010

partis

et là-bas, j'ai dessiné un point, un point final je crois, un trou cerné de gris dans le papier trop fin, je voulais le changer en virgule, mais il a pris le crayon de mes mains et a accentué le point en perçant la feuille. Alors les jours ont une autre saveur, chaque instant, l'odeur du bitume humide, la place dans la lumière diaphane de midi, les courbatures dans les membres, l'allumette grattée pour faire du café, chaque image prend plus de poids, pénètre plus profond, comme le tabac d'une cigarette sans filtre.