samedi 23 octobre 2010

pretending not to be.

Il avait détourné la tête lorsque je parlais, alors je me suis tu(é)e. J'ai pris Cervantes, je n'ai plus prêté attention au métro, à lui, et lorsqu'il s'est levé, tu viens. Non. J'ai dit non. Et je suis restée dans le métro qui filait dans la nuit. Je fais semblant d'être une grande personne, mais dans le noir, j'ai serré mon oreiller trop fort et dans le tramway le lendemain, les yeux brûlaient encore. 
Dans le bel appartement, on avait été les premiers, et puis les musiciens avaient envahi le parquet bien ciré, les bières, un chili con carne au tofu, et serrés à deux par chaise autour de la table, on fait connaissance, il y a eux, ces musiciens accomplis, et nous, les musiciens ratés. Et plus tard, on parle français longtemps, avec un québécois et une hongroise, vin rouge et spekulos, on échange les adresses et on se promet de se revoir pour un café. Dans la pièce voisine, le piano résonne, et tout y passe, Wagner, Strauss, Sinatra avec des chanteurs, et plus tard un violon virevolte en csardas endiablées, improvisées, Mozart prend des accents turcs, on rit beaucoup, mais je pourrais pleurer. Parce que je ne sais pas parler naturellement avec mon instrument, il y a toujours des partitions entre nous. Une dernière bière en imaginant de former un trio, et la nuit glaciale nous avale.
Les recettes listées, les ingrédients, et terminer un café avant d'aller faire le marché. 

samedi 16 octobre 2010

s'accrocher aux pages

dans la cuisine glacée, quand la vie rit dans le salon, et il est si loin, deux rues, un océan, une semaine. A. disait qu'il y avait deux catégories de filles. Celles dont les hommes tombent amoureux, et celles avec qui ils couchent. C'est triste, et puis vrai aussi.
J'ai vingt-trois ans, je suis une p*tain. Mon premier client était B.
J'étais amoureuse de lui.
Pour les suivants, ça n'a plus d'importance, ils peuvent venir, ils peuvent partir, c'est égal. C'est l'année où tombent les illusions qui cachaient les visages comme des masques. C'était quitter une ville sans adieux, c'était mon père qui me disait que de toute façon il n'avait jamais voulu de moi il ne faut pas croire, D. qui voulait coucher avec moi pour se venger de son ex. C'était B. stupéfait, tu n'avais quand-même pas imaginé qu'on avait une relation. 
Je voulais partir, aller à la mer, laisser mes poumons courir dans le vent, je voulais ce bruit régulier, assommant, abrutissant, comme un alcool fort, un puissant narcotique, une drogue euphorisante, et ce coeur couvert de pourriture, le jeter dans l'eau salée, m'asseoir sur la berge, lécher le sel sur mes lèvres et attendre que tout soit propre et anesthésié. Tu vois, j'avais prétendu qu'il y avait un baiser entre nous, quel mensonge. Et puis c'est faux, c'est pas pour toi que j'apprends cette langue, c'est pas pour toi, c'est pour moi, parce que cette langue, c'est un peu toi, quand je lis ta langue, je lis ton nom, et sa mélodie, c'est comme les mots que tu ne me disais jamais. Cette langue est un ersatz de toi. 
Lui, il préfère se taire. 

mardi 5 octobre 2010

sur le seuil

Le nouveau semestre, à huit heures du matin dans une salle de l'institut de slavistique, et les dobra outra sonores de Natalia Ernestovna, les petits yeux et les joues de bébé roses au réveil, les vocables russes ânonnés sans grande conviction. D'ici la fin du semestre, nous devrons être capables de lire des poèmes de Daniil Charms, alors j'ai hâte, forcément. Plus tard, c'est un petit tour à l'institut de musicologie, les petits premières perdus et excités, les professeurs discutant avec animation, et ceux qui sont toujours à l'institut, parce que c'est notre maison, notre port d'attache. Les rires, les blagues avec les professeurs, les visages connus, après trois mois, tout ce chemin parcouru en un an. 
Il y a un an, j'avais tout juste trouvé mes 41,20m2, je ne connaissais personne, j'arrivais en silence en cours, je me cachais dans un livre pendant les pauses. J'avais écrit dans mon journal, début août 2009: "Commencer un nouveau carnet, c'est comme commencer un nouvel agenda, il y a l'excitation de toutes ces pages vierges que l'on va vivre, tout est ouvert, 240 pages de mystère". Et puis un mois plus tard: "je tombe amoureuse. d'Ilya, de l'étudiant dans la librairie du château, du voisin trop maigre avec les grands yeux doux. Je tombe amoureuse des inconnus, pour que je puisse rêver les choses et les faire entrer dans mes idéaux, pour éviter d'être déçue par la réalité. Requérant d'asile cherche refuge face à la réalité. Combien de temps encore?"
Un an plus tard, j'en suis là à nouveau. Il y a eu un progrès en boucle, les 240 pages de mystères sont vécues, et la décision de ne plus chercher à vivre d'histoires d'amour concrètes plus forte que jamais.