lundi 25 février 2013

Il faut escalader la neige repoussée en tas sur le bord de la ruelle comme des piles de vieux journaux pour entrer dans minuscule cinéma, une salle unique, longue et étroite, une dame qui arrache les billets, ouvre la salle et guide les retardataires avec une lampe de poche, tous les soirs aux mêmes heures, depuis cinquante ans.
Noir.
L'image trop loin trop sombre et le corps tendu pour la saisir, la lenteur des images (avais-tu déjà pris le temps de regarder une vieille femme dormir ?) et les impromptus de Schubert dont on n'entendra jamais la fin, coupés brutalement comme le ruisseau paisible de ces vies, comme l'eau du robinet ce matin-là. 
Noir.
La salle de cinéma qui s'enveloppe de noir pour oser garder le silence, rester seul encore un peu avec cet homme, cette femme, la dignité perdue et retrouvée, dans le silence assourdissant, le noir pèse comme un grand corps inerte sur tes genoux.

Sauter d'une langue à une autre, comme si souvent, et voler les coeurs en chocolat de la décoration du petit restaurant trop cher où on ne boira qu'un seul verre. Sortir sur la petite place et redevenir enfant, T. lance la première boule de neige et dans les cris les rires les glissades, la haie devient un rempart de fortune aux milieux des projectiles maladroits. J-F s'approprie le bonnet d'A. alors que les passants forment déjà boules pour répliquer, il n'y a pas d'équipes, pas d'organisation, pas de gagnants, la neige qui glace la peau et s'accroche aux cheveux.
Serrés autours de la minuscule table rouge, nous commandons des chocolats, des verres de vin, des tartines de fromage. Ju. s'indigne contre l'injustice des stages à 100% et non payés dans le domaine culturel, il y a le passé colonial de la France et nos recherches de colocataires, et lorsque plus tard nous passerons devant une vitrine avec des bonnets, je sautillerai, il y a des bonnets fraise taille adulte.

Alors dimanche, après avoir été surprise de retrouver R. à la messe française, après avoir traversé le 1er district en évitant la neige qui meurt des toits et retrouvé mon colocataire à l'exposition Max Ernst, il y a un téléphone de S. et avant d'aller travailler au Konzerthaus et de me glisser dans le récital de Lang Lang, on partage un café à la cardamome assis en tailleur sur le tapis, mon colocataire et sa fiancée, et S., qui me tend un sachet de papier kraft du maraîcher. À l'intérieur, elle a tricoté un bonnet fraise avec une fleur. 

dimanche 3 février 2013

Les livres inondent le bureau le tapis la chaise le lit,
La musique étouffe les murs les oreilles les mains les cris,
Les mots saccagent les carnets les lettres les marges la nuit –
Le vide.