jeudi 30 mai 2013

Paris, Gare du Nord, Revue AC3s, Kodak Gold 200 ISO

 
Live, travel, adventure, bless and don't be sorry – tu sais, il faut lire Kerouac en été, dans la poussière qui te brûle les poumons et dans le soleil qui crisse sur tes yeux. Ou dans le train.

Wien Meidling, une gare sans âme, une gare imposture, c'était le février des vingt degrés en dessous de zéro, vingt-trois heures cinquante-six, et sur le panneau d'affichage le train prend toujours plus de retard, une poignée de voyageurs exténués grelottent sans quitter des yeux l'écran lumineux. Dans le train sans couchettes, les corps se roulent dans ce qu'ils trouvent pour se protéger du froid, Vienne-Munich comme des réfugiés politiques. Munich - Cologne en écrivant à la fenêtre, Cologne où finalement je ne peux pas rester et où je cours dans l'immense gare pour m'engouffrer juste à temps dans le premier train pour Bruxelles. Il faut essayer de gagner Paris avant la nuit, j'avance par hoquet de train, j'échoue dans des villes improbables, il y aura Bruxelles, la rage de ne pouvoir retrouver cette ville que j'aime et l'angoisse d'avoir le temps d'acheter un peu d'eau, une vieille dame avec qui je discute dans le train pour Tournai et qui me tend deux mandarines parce que j'en aurai besoin, Lille et les yeux qui palpitent, il pleut et je ne sais pas encore que le film est mal mis et qu'il ne restera aucune photographie des maisons en briques, de l'hôtel de ville et des livres qui se blottissent sous les arcades. Lille - Saint-Quentin, et en appelant Au. qui m'attend à Bordeaux, je lui explique que je suis quelque part entre Lille et Paris. Paris, vingt-trois heures, vingt-trois heures de train plus tard. La nuit trop courte et le TGV pour Bordeaux, Au. à la gare, un petit-déjeuner ahuri dans la maison des quartiers populaires, et tout ces mots qui se bousculent sur nos lèvres, les thés, la tête qui tourne dans l'immense librairie Mollat, un Ilford 125 24 poses, un Kodak Elite Chrome 24 poses, un Kodak Gold 36 poses, et le train pour Paris, un restaurant seule à Beaubourg après une exposition sur la danse au Centre Pompidou et le coeur qui bat, puis la gare du Nord au matin et chercher à Lille un train pour la Belgique, dans lequel je taperai le numéro de Julie dans mon portable pour lui demander Gent ou Anvers ? une gaufre, du soleil, les quais et beaucoup de légèreté, j'arriverai à Leuven le soir, penne all'arabiata avec des visages connus, des visages inconnus. Retards de trains et correspondances ratées, Liège grise et fatiguée, Cologne où je laisserai un cierge pour que leur bébé vienne putain, Munich tard le soir, lumière maladive et taboulé sans goût, un dernier train de nuit et Vienne au matin, après vingt-trois heures de train.

Un soir de novembre, presque un an plus tard, il y aura une fille qui porte des marinières à rayures bleues et blanches au téléphone et en traversant le canal, j'apprendrai que les rayures s'étirent et s'arrondissent au-dessus du bébé qui attend l'été.

samedi 11 mai 2013

Pentax Super A


   
Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois la fatigue brûle, tousse et tourbillonne, automne hiver printemps c'est sous l'intensité du travail que je croule, pas sous celle de la vie. Il n'y a plus de voyages pour essouffler les yeux, plus de projets pour envoler les sentiments. 
Mais toujours il y a ces jours de pluie qui rafraichissent les semaines précipitées qui au soir ont oubliées leurs matins. L'érable qui berce le petit appartement au deuxième soupire sous la pluie qui goutte, il veille au repos du quarante mètres carrés catégorie D, il ne laisse entrer personne. En tailleur sur le tapis je prends le thé avec le silence. Thé des moines et madeleine, nous parlons de nos souvenirs,

la semaine passée, trois jours de séminaire didactique dans une petite ville de Basse-Autriche, cinq classes de CM2  et nous, vingt-quatre étudiants de pédagogie musicale de première et deuxième année, le trajet en Peugeot 205, la boulangerie le matin pour aller chercher du vrai café, six garçons - deux filles, et Ma. et moi si fiers de leurs idées musicales et de leur prestation qu'ils ont gérés comme des grands, les nuits de quatre heures, improviser sur un poème de Ringelnatz avec un baryton, un trombone, un violoncelle, un basson et un piano, découvrir les performances des autres en passant d'une salle à l'autre, lumières bleues, soleil, rouges, lune, il y a l'énervement de tous ces feed-backs et les amitiés qui se cristallisent tandis que la gorge se noue avec la fièvre et qu'il faut tenir encore deux soirs, concerts à Bratislava et à Vienne, tenir, tenir, tenir en avalant des Ricola au miel,

hier soir je retrouvais Ph. , mon voisin qui jouait du jazz manouche les dimanches d'été et que je n'avais plus revu depuis le lycée, mais on a parlé comme si ces huit ans n'existaient pas. Les camps d'orchestre au lycée, les matins difficiles, Dum. dirige péniblement, la baguette dans une main, la tasse de café dans l'autre, ah non, ce n'est pas du Scarlatti avec le petit doigt en l'air ! les improvisations folles durant les pauses, les descentes au village périlleuses sur les routes enneigées dans la forêt toute blanche, un coca - six pailles, les bois contre les cuivres au babyfoot, les vents qui jouent aux cartes en attendant leur tour durant le Boléro, et je sais : il faut retrouver un orchestre,

et lorsqu'il repart sans bruit par la fenêtre, tout est rangé ; il a éteint l'angoisse en sortant. Dehors, une à une, les respirations s'allument et dessinent les constellations des projets et des voyages.