vendredi 26 septembre 2014

Nicosie
Pentax SuperA / Ilford 125

Printemps chypriote.

L'imam chante dans le ciel encore épais, la ligne de démarcation au détour de la ruelle, la mosquée juste après, en pierre jaune, frêle et coquette comme une jeune fille à son bal blanc. L'imam chante et réveille le pope orthodoxe, la ligne de démarcation au détour de la ruelle, l'église juste avant, en pierre jaune, matrone taciturne confortablement allongée sur la petite place. Au chant aigu du musulman succède la voix sombre du chrétien. Entre les deux, la ligne de démarcation.

Le bois crépite sous les pieds nus, le soleil installé dans la cuisine détaille les visages qui gardent encore un peu la trace des draps, les palmiers se découpent avec précision du ciel chaud, les psalmodies graves de l'église orthodoxe et le tintement clair de la vaisselle du matin se font écho. Sur la balustrade, un garçon au boucles blondes joue de la mandoline, il est venu de Suède. Une fille très grande et très belle verse un peu de lait dans son bol de thé, elle parle polonais. Une fille et un garçon se disputent la dernière tartine, ils crient en croate et néerlandais. Une fille aux cheveux noirs et vêtements colorés fredonne des airs de jazz, elle chante en italien. Un garçon en chemise et lunettes fume une cigarette en écoutant la mandoline, il pense en allemand. Deux filles aux yeux rieurs boivent leur café côte à côte et se comprennent à mi-mot, slovaque et tchèque. Un garçon aux yeux verts virevolte et tourbillonne, il est ici chez lui. Un autre garçon au profil noble et aux yeux profonds me regarde, il rêve en grec.

En bas, entre l'église orthodoxe et la mosquée, on klaxonne. La journée commence.