lundi 22 mars 2010

exil.

Et tu sais que je n'ai pas vu de coucher de soleil sur le lac cet hiver.

vendredi 12 mars 2010

toujours les pensées qui se manquent, de peu, elles se frôlent, mais ne se rencontrent jamais. Ne parles-tu pas la même langue que moi?

J'allais ce matin sur le Ring, je traversais le Burggarten encore désert, devant le rayon Malerei de la librairie, le soleil sautait sur le dos des livres Taschen, j'ai presque pris le volume consacré à Degas, et puis non, j'ai caressé les pages, j'ai respiré son odeur, et je l'ai reposé dans le soleil. Je me suis souvenue que j'avais beaucoup de livres à lire, dans ma table de chevet, ils attendent, ils pleurent parfois, lorsque je les oublie, lorsque j'en regarde d'autres, plus beaux.

Eva Marton dans Elektra, encore, plus fort, ton sang brûle, ça ne suffit pas, il faut écouter encore, jusqu'au bout, tu ne sais pas ce que sera la fin, jusqu'où tu pourras aller, mais écouter encore, Agamemnon! tu as mal, Agamemnon! Wo bleibst du? Ich will dich sehen! et ce rire qui brise les os, ton crâne écrasé sur le sol.

Pendant que la tarte au pommes refroidit, une lettre, et les poèmes de Dickinson, les jupes plus courtes. C'est comme si le printemps voulait venir, enfin, à pied, le long du Donaukanal.

samedi 6 mars 2010

sur un fil

Je ne sais plus que penser, c'est comme marcher sur des talons aiguilles trop hauts, sur un sol irrégulier. Un pas, et la cheville se tord à l'intérieur, un autre pas et elle se plie à l'extérieur. J'imagine l'été, l'odeur du gazon fraichement tondu, les nuages blancs dans le ciel bleu, ceux dont on invente les formes en les montrant du doigt. Et puis sans transition, je ne vois plus que cette neige qui colle à mes pas, les bottes humides, le vent glacial sur les quais dans la nuit qui coule le long du Danube. J'aimerais savoir. Mais ne dis rien, s'il te plaît, jouons encore en peu, il fait noir, il fait froid, ne dis rien et faisons semblant. Comme si

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Parce que j'ai peur.

vendredi 5 mars 2010

et les épines dans ta nuque

J'aurais voulu savoir écrire, savoir dire tout haut ce que l'humanité vit tout bas, que les mots ne soient plus un assemblage de lettres mais un tourbillon d'émotions, j'aurais voulu écrire des phrases sur lesquelles on s'arrête pour rêver, que l'on murmure une fois pour ne jamais plus les oublier. J'aurais voulu savoir me perdre dans les réflexions, être assise à mon bureau au milieu des livres et des partitions, ne plus sentir le froid autour des jambes et la faim dans le ventre, le jour qui passe et la nuit qui pâlit.
J'aurais voulu dire non et ignorer le moment où j'ai embrassé son épaule, devant ce mauvais film américain, et où il s'est penché pour me répondre par un baiser.

jeudi 4 mars 2010

au bout du fil

Tu vois, il ne faut pas avoir peur, un matin, tout se dénoue, ton corps n'est plus la boule tuméfiée roulée dans le petit coin entre le lit et la table de chevet. Les crises s'espacent, la respiration se libère, et le mouchoir n'est plus taché de sang au matin. Sur le rebord de la fenêtre, elles sont mortes, des boutons fanés, le souvenir d'un parfum fleuri, mais il ne faut pas pleurer, ne pleure pas, regarde, c'est le printemps qu'elles attendaient, il est venu, tu sais, elles étaient heureuses, il a embrassé doucement leurs lèvres offertes, elles étaient heureuses, enfin.
Le manteau gris au crochet, le paletot violet, et le bonnet de laine bleue dans une caisse en osier, avec les gants. Il n'y aura pas de carte pour le métro et le tramway, la demie-heure de marche, en passant par-dessus le Danube, il y a un petit magasin de musique aussi, une cité U et la Beethovengasse avant d'arriver à l'institut, parfois un thermos de café, parfois un chausson au séré, parfois Brahms, parfois les oiseaux du Lichtensteinpark, parfois un étudiant sur une bicyclette, parfois le soleil. Et puis j'étais couchée, et ta voix dans le téléphone, le pull vert pour me faire plaisir, les mains jouent avec les motifs de l'oreiller, et tu sais, c'est comme une pièce en majeur, mais un majeur très doux, timide, qui vient délicatement ouvrir les serrures verrouillées, c'est un murmure, et la poitrine se dilate, et l'âme s'envole en riant. Il y a un fil invisible qui court de ma fenêtre à la tienne, comme tu disais qu'il fallait que l'on fasse, pour nous voir plus vite, c'est un fil qui court de mon cœur au tien, ils se parlent, tu ne crois pas? Parfois, si tu écoutes bien, tu peux entendre leurs chuchotements. Peut-être parlent-ils d'amour...