vendredi 26 février 2010

interlude

j'attends je compte les cliquetis du radiateur et je fais tourner une mèche de cheveux autour de mon doigt je compte les cliquetis du radiateur je remonte mes genoux sous mon menton et j'attends je fais tourner une mèche de cheveux autour de mon doigt j'attends je remonte les genoux sous le menton et j'attends je comptes les cliquetis du radiateur je fais tourner une mèche de cheveux autour de mon doigt j'attends


j'attends

jeudi 25 février 2010

et puis nous reviendrons

parce que je l'avais perdue de vue, parce que je lui avais brisé la nuque, d'un petit coup sec, l'un de ces gestes trop rapides, trop assurés, pour masquer les doutes, parce que j'étais partie en courant, sans jamais me retourner, parce que je savais que ce n'étais pas le bon chemin.
Se retrouver, soudain, entre deux lignes d'un mail, elle a ouvert le rideau, et je me suis retrouvée face à face, tu sais, non tu ne sais pas, tendre la main, faire quelques pas vacillants, sentir la terre sous les pieds, et puis peut-être que nous sauront marcher ensemble, même après tout ce temps, temps perdu, c'est un trou, un vide, les souvenirs sont des mots vides, il n'y avait pas d'émotion, mais peut-être, avec toi, si tu le veux bien, nous allons remettre de couleurs sur les fleurs et peindre des notes sur le chant des oiseaux.
Tu vois je ne t'ai pas oublié, non, jamais. Et aujourd'hui je suis là, devant toi, et nous lirons des poèmes ensemble, nous feront des listes, couchées sur l'herbe, nous photographierons les nuages et nous avalerons les pages avec toujours cette boule au ventre, parce qu'on arrivera jamais, on arrivera jamais à tout lire, à tout écouter, à tout voir, tout ce qu'il faut vivre encore, et tout ceux qu'il faut aimer, et tu sais, vingt ans déjà ont coulé sous nos pieds, tu n'as rien vu passer, moi non plus, mais viens, courons, rattraper le temps perdu, le temps qui passe, tu ne peux pas le rattraper, mais le temps qui reste, ne le laisse pas passer, retiens-le, aide-moi, ouvre la porte, les deux battants, pour que le temps ne nous oublie pas.

mardi 23 février 2010

parfum de hyacinthe

Et puis j'aurai copié la partie du violon d'une sonate de Corelli, allumé le gaz sous la cafetière italienne, tiré ma raie bien sur le côté, comme pour faire une frange. J'aurai découpé un radis en fine lamelle sur ma baguette aux graines, avec le chèvre, et puis versé du lait dans la tasse bleu Henle. Plus tard, j'aurai ouvert grand la fenêtre pour le soleil, les fleurs sur le rebord, parfumant la rue, et puis je me serai assise devant le piano et j'aurai joué Schumann, j'aurai eu l'impression que les travailleurs sur la chaussée se seront arrêtés un instant pour écouter. Et puis j'aurai refermé la fenêtre, la porte aussi, je serai descendue les escaliers en sautillant, j'aurai marché jusqu'au campus et en lisant la réduction pour piano, les passages me seront revenus en mémoire, et je me serai rappelée à quel point j'aime cet opéra. J'aurai dit des bêtises devant la BU, je serai arrivée tard au travail, en enfilant mon uniforme sur les marches, et j'aurai obtenu un congé pour aller voir un spectacle. Ce soir, demain, après-demain.
Et je n'aurai [presque] pas pensé à .

dimanche 21 février 2010

promenade dominicale

Un enfant pleure dans la rue, les fenêtres s'allument comme des bougies, tu as raison, il a fait beau aujourd'hui, j'ai senti le soleil qui m'embrassait les mains, comme tu le faisais parfois, appuyé sur la balustrade à l'opéra, c'est un souvenir maintenant je crois, et le soleil a disparu derrière les carcasses de maisons, il fait froid, j'ai froid, et j'ai peur de tirer les rideaux, ils vont m'isoler encore plus du monde, je ne veux pas, je veux continuer de croire que.

Dans le tramway, les baisers d'un couple sont comme des ongles plantés dans ma chair.

mardi 16 février 2010

nothing's gonna happen

C'était en revenant de la laverie, mon grand sac de toile cirée sur l'épaule, l'odeur du linge propre, je marchais très vite, en baissant la tête comme pour me cacher tout à fait dans mon écharpe, qu'il a chanté. Il était tout petit, perché sur une branche qui dépassait de l'enceinte du parc, et il chantait si fort. Il m'a fait un peu mal, tu m'as fait mal. Le petit oiseau criait, il criait que le printemps existe, tu ne dois pas douter, tu le sais. Va, enfonce bien tes mains dans les poches pour les garder chaudes, monte en courant les escaliers poussiéreux, ton sac te scie les chairs, ça ne fait rien, cours, petite fille, ouvre la porte. Sur le rebord de la fenêtre, une narcisse jaune comme le soleil fleurissait.

(Mais toi, petit oiseau? Je t'ai cherché parmi les fleurs en tissus des rideaux, en vain.)

jeudi 11 février 2010

et vice-versa

Tu sais, je ne m'en fiche pas de nous, mais tu es comme un moineau, il ne faut pas faire de mouvements brusques sous peine de te voir prendre peur et t'envoler, je ne veux pas que tu t'envoles, je veux sentir ton cœur palpiter dans le creux de ma main, alors je dis que ce n'est qu'une aventure sans lendemain, que je t'oublierai vite. Mais déjà tu as tracé du bout des doigts le contour de mes pensées.

mercredi 10 février 2010

Et lux perpetuam

Il y a des moment comme ça. Ils naissent subitement, une chambre froide, des bougies parfumées pomme-cannelle tremblent sur le rebord de la fenêtre, le radiateur crépite comme une cheminée, le plaid autour des épaules, le bol de thé aux épices. Le requiem de Fauré par le Kings College de Cambridge.

Dans la boîte, il y avait une carte d'Oregon, US. Quelques lignes seulement, mais un si grand sourire. Des envies de vieille valise en cuir élimé, de grandes gares, de cartes épinglées sur les murs, de vent poussiéreux, de fruits rouges, d'océan majestueux, d'herbe sèche qui pique la plante des pieds, de robes à pois, de thé glacé, de fleurs dans les cheveux, de linge blanc au soleil.

Dans le placard, il y a des bocaux de quinoa, de riz sauvage, de lentilles rouges, noires, jaunes, de gallettes de riz, de miel, de noix et de fruits secs; dans la fenêtre de la cuisine, des carottes, des poireaux, des radis, des pommes de terres, des citrons, des pommes, des myrtilles. J'ai ignoré mon corps, longtemps, alors il a crié. Très fort.

dimanche 7 février 2010

Mellow Yellow

La petite cuillère dans le pot de miel, assise en tailleur dans ma chaise en osier, en allemand c'est si joli, on dit Korbsessel, siège-corbeille, Delerm chante Paris, les Têtes Raides évoquent l'univers noir blanc, papier à grain aux bords cornés de Prévert. Ma tête s'est détachée de mon corps tordu par la fatigue et la fièvre, et flotte dans un monde ouatiné, blanc, doux, irréel. Trois pulls, de la laine, des cols, des rayures, des écharpes et le plaid en polaire blanche. L'impatience d'être lundi pour acheter les partitions de la Fantaisie de Schumann, l'espoir d'avoir quatre soirs de congé, des odeurs de menthe, de camomille et de papier, les fines tranches de gingembre dans le thé, la pile de CDs à écouter et sous le soleil qui perce presque les nuages, les flocons dansent, si légers et si drôles. J'aime le soleil lorsqu'il est timide et qu'il se cache derrière les volutes des cheminées de la ville, lorsqu'il faut regarder longtemps le ciel pour savoir s'il est bleu ou blanc.