samedi 11 mai 2013

Pentax Super A


   
Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois la fatigue brûle, tousse et tourbillonne, automne hiver printemps c'est sous l'intensité du travail que je croule, pas sous celle de la vie. Il n'y a plus de voyages pour essouffler les yeux, plus de projets pour envoler les sentiments. 
Mais toujours il y a ces jours de pluie qui rafraichissent les semaines précipitées qui au soir ont oubliées leurs matins. L'érable qui berce le petit appartement au deuxième soupire sous la pluie qui goutte, il veille au repos du quarante mètres carrés catégorie D, il ne laisse entrer personne. En tailleur sur le tapis je prends le thé avec le silence. Thé des moines et madeleine, nous parlons de nos souvenirs,

la semaine passée, trois jours de séminaire didactique dans une petite ville de Basse-Autriche, cinq classes de CM2  et nous, vingt-quatre étudiants de pédagogie musicale de première et deuxième année, le trajet en Peugeot 205, la boulangerie le matin pour aller chercher du vrai café, six garçons - deux filles, et Ma. et moi si fiers de leurs idées musicales et de leur prestation qu'ils ont gérés comme des grands, les nuits de quatre heures, improviser sur un poème de Ringelnatz avec un baryton, un trombone, un violoncelle, un basson et un piano, découvrir les performances des autres en passant d'une salle à l'autre, lumières bleues, soleil, rouges, lune, il y a l'énervement de tous ces feed-backs et les amitiés qui se cristallisent tandis que la gorge se noue avec la fièvre et qu'il faut tenir encore deux soirs, concerts à Bratislava et à Vienne, tenir, tenir, tenir en avalant des Ricola au miel,

hier soir je retrouvais Ph. , mon voisin qui jouait du jazz manouche les dimanches d'été et que je n'avais plus revu depuis le lycée, mais on a parlé comme si ces huit ans n'existaient pas. Les camps d'orchestre au lycée, les matins difficiles, Dum. dirige péniblement, la baguette dans une main, la tasse de café dans l'autre, ah non, ce n'est pas du Scarlatti avec le petit doigt en l'air ! les improvisations folles durant les pauses, les descentes au village périlleuses sur les routes enneigées dans la forêt toute blanche, un coca - six pailles, les bois contre les cuivres au babyfoot, les vents qui jouent aux cartes en attendant leur tour durant le Boléro, et je sais : il faut retrouver un orchestre,

et lorsqu'il repart sans bruit par la fenêtre, tout est rangé ; il a éteint l'angoisse en sortant. Dehors, une à une, les respirations s'allument et dessinent les constellations des projets et des voyages.