Sur le petit sofa, entre les coussins aux grandes fleurs, j'écoute Simon&Garfunkel, un bol de risotto feta-courgette-tomates séchées sur les genoux. Tout à l'heure, j'ai fait les muffins au pépites de chocolat de mingou, et pour la première fois, mon four à gaz n'a pas tout brûlé. Et puis j'hésitais à l'appeler, parce que je ne supporte plus de manger seule. Quelques fois je voudrais juste sa présence, lui dans un fauteuil, mémorisant ses répliques, moi dans la cuisine, préparant le goûter, en fermant la porte pour ne pas le déranger, parce que j'écoute toujours de la musique en faisant la cuisine.
Parfois j'imagine une maison minuscule perdue dans un immense jardin. Avec une grande cuisine rassurante et plein de visages autour de la table, des déjeuners sous la tonnelle, un arbre de lilas devant la fenêtre de la chambre à coucher, des heures à lire dans une vieille balançoire attachée à une branche de pommier en fleur. Parfois je n'en peux plus des murs de la ville qui repoussent le ciel, des façades interminables de fenêtres, des lignes de goudron qui ont étouffé les mimosas et les pâquerettes, des lumières de la ville qui tuent les étoiles.
Je voudrais la muraille du Királyi Vár, dans cette nuit chaude de mai, couchée sur le dos, pendant que les garçons discutent, regarder les étoiles, se fondre dans l'immensité, pendant des heures. Je voudrais les nuits à la belle étoile de mon adolescence, les légendes oubliées autour du feu, les étoiles filantes que l'on guette en s'empressant de faire un voeu, les saucisses piquées dans un bâton, les pommes dans les braises, l'odeur chaude et épicée des pâturages. Je voudrais les bols de cheerios partagés le matin devant la télé, la chambre minuscule avec la grande fenêtre qui donnait sur le ciel, les rangées de maisonnettes avec leurs jardins soignés, les parcs immenses, la librairie de Muswell Hill, Les quais de la Tamise, les immenses pique-niques, les virées à la mer.
Je ne vis pas les choses pour faire des films, je fais des films parce que je ne sais pas vivre les choses, je crois que c'est plutôt ça.
A la bibliothèque, cela faisait longtemps, et j'ai recherché de la littérature pour un travail qui me tient beaucoup à coeur, je me suis surprise à oublier le temps, et puis j'ai couru au bâtiment principal, tout en haut, l'amphi de littérature comparée, et la liste des livres à lire s'allonge, c'est comme si dans mes bras je voulais enlacer toujours plus, la terre entière, et j'ai eu le vertige, alors dans le parc, je me suis assise avec un gobelet de café pour respirer un peu et perdre mon regard dans les arbres.
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