dimanche 11 novembre 2012

s'il lui avait répondu si elle lui écrivait maintenant–
si les grilles du parc fermaient tard si le manteau ne pendait plus au crochet–
si elle savait des vers de neruda par coeur si une cigarette se consumait entre ses doigts–
si les muffins ne brûlaient plus les doigts si le thé brûlait encore la langue–
si elle l'avait laissé s'approcher s'il avait pu l'embrasser–
si elle ne l'avait jamais rencontré s'il n'était jamais parti

alors il n'y aurait pas le désir alors
il n'y aurait pas
la vie

c'est comme ça.

vendredi 2 novembre 2012

Un ciel de Monet frémissait de lumière, de lumières, alors j'ai noué la grosse écharpe marine autour du cou, et l'appareil. Et dans le parc, les silhouettes respiraient de petits nuages, et ceux du ciel, taupe, cobalt, corail, mauve ou citron. Ou délicatement ivoire, si tu cherches bien. 
Le matin m'avait ébloui par l'évidence avec laquelle les deux tout petits élèves impromptus savaient jouer une partition graphique. La coordination de ses petits mains à lui, son application à jouer fort et puis doucement et son attitude toute écoute lorsque la ligne s'interrompt pour laisser place au silence. Et sa certitude à elle quand elle pose son propre dessin sur le piano pour le jouer. Ilana, c'est ainsi qu'elle a nommé son morceau, le portrait d'une fille, des clusters avec le plat de la main pour jouer les cheveux en bataille et des petites notes cristallines comme autant de petites cloches pour dessiner les yeux, le nez, la bouche, et là, le corps, c'est tout doucement aussi. Evidemment, j'ai envie d'être professeur à en avoir mal, j'ai hâte du temps qui passe, j'ai peur du temps qui passe et les bras tellement trop courts pour enlacer toute cette vie fugace, fugitive, furtive.

mercredi 31 octobre 2012

les feuilles humides collent aux chaussures en cuir camel et la fièvre aux tempes, il y a ce garçon qui me regarde et que je ne vois pas parce qu'évidemment je pense encore à lui, notre histoire manquée, ses silences lointains et le trouble en retrouvant mon vélo rouge dans la rue lavée de soleil, en pédalant le long du canal. 
celui avec qui je partageais une bouteille d'eau gazeuse dans une chambre d'hôtel de cette petite ville de belgique. celui qui me serrait trop longtemps, quatre mois plus tard, dans son appartement du 3ème. celui qui a changé de capitale, sans au revoir. celui-là.

samedi 13 octobre 2012

la tension dans la nuque

Il y a eu l'été, un été incertain qui se noyait dans la préparation du concours et qu'on était surpris de retrouver, le soir, assis sur un banc du parc avec un livre et des respirations profondes. Les deux jours de concours si intenses et riches et enfin le résultat qui tombait, le nom figure dans la liste.
Depuis, la vie file si vite que mon dos s'est complètement raidi à forcer de vouloir lutter pour garder la tête hors de l'eau. Il n'y a plus d'avant ou d'après, juste l'instant présent, parce que tout le reste n'est qu'une abstraction insaisissable. N'existe que le jour même, avec l'unique pensée de tenir encore jusqu'au soir, les larmes d'épuisement et d'impuissance. Les larmes parce que c'est beau aussi, et si juste d'avoir choisi ce parcours. 
Il y a la ville traversée en tout sens d'un cours à l'autre, le calme bienfaisant des cours de chant, l'excitation du séminaire de didactique musicale, les fous-rires durant le cours de Feldenkrais, la douce préoccupation de mon professeur de piano lors du cours de musique de chambre et ses efforts pour me libérer de mon propre jugement sur moi-même. Et la patience du professeur de violoncelle. 
Je suis comme un Pinocchio détraqué que toutes ces mains réparent en douceur. Alors forcément, ça fait mal et c'est très beau.

mercredi 27 juin 2012

perpetuum mobile

Quand il a rappelé pour se voir, j'ai réalisé que j'appréhendais nos retrouvailles, après Le*ven, les bières et l'ambiguité. J'étais curieuse aussi, alors j'ai pédalé à travers la ville, le long du canal, à travers le parc, le conservatoire, l'église orthodoxe et puis une rue qui fait la sieste au soleil, appuyer sur la sonnerie, monter quatre marches et le voir sortir sur le palier pour m'accueillir. Les pièces lumineuses ouvertes sur la rue, les livres, les cartons, les meubles vieux et nobles, l'orchidée blanche comme une vestale sur le rebord de la fenêtre, et ses mots maladroits et mes rires timides. Danser une ronde devant le grand sofa aux coussins ik*a, lui apprendre cette danse malienne, noter ses remarques dans mon moleskine, parler en se baignant dans la lumière. Devant la porte il demande si on se reverra avant qu'il parte, et dans ce geste entre l'étreinte et la bise, il y a ses bras qui me serrent un peu trop fort, et mon trouble en traversant la rue vide, et mes doutes en pédalant à travers la ville, une rue qui fait la sieste au soleil, l'église orthodoxe, le conservatoire, à travers le parc et puis le long du canal. 

vendredi 18 mai 2012

en sautant des pages, et les bières du mois de mai

A cause de ce premier mai passé sur des barques à rire et sauter dans le vieux Danube, à cause de ce pique-nique improvisé au Prater, à cause des feux d'artifice regardés couché dans l'herbe du parc et des baisers sur le petit sofa devenu gris à force de soleil. A cause des marchés au puces avec T., des verres de mousseux et des bouteilles de vin, à cause des téléphones avec les professeurs de piano et des cours de solfège, à cause de Beethoven, Moussorgski, Debussy à quatre mains, à cause des fenêtres ouvertes. A cause des bières partagées au bord du canal, des paris stupides et des falafels devant l'opéra à des heures improbables, à cause des messages plein de tendresse aussi, des raviolis chinois au tofu, des parties de kubb dans un jardin à la tombée du jour, des poèmes de Benn lus à haute voix, d'un dîner avec trois italiens et des rires en explorant la cave humide comme des catacombes de l'immeuble. A cause de G. qui me dit tu organises souvent des activités.
A cause de tout cela, je crois que j'ai quitté les pages rassurantes de mes livres pour sauter dans mes 24 ans. A pieds joints, et sans avoir plus besoin d'un rouge à lèvre rouge vif pour m'affirmer.

lundi 30 avril 2012

le déjeuner sur l'herbe

la fenêtre est ouverte sur la rue, elle joue une sonate, il attend en bas, immobile devant la fenêtre il écoute et ne sonnera qu'une fois le morceau terminé. Pendant qu'elle joue Beethoven, elle ne sait pas tous ce qui se passe en bas, dans la rue cachée par les arbres. Elle ne sait pas encore qu'il croisera B. et que tous deux l'écoutent en silence, elle l'apprendra plus tard le soir, en découvrant un message sur son portable, il est devant ton immeuble et il t'écoute jouer... Elle sourira, comme elle a souri toute cette journée, et toute la journée d'hier. Il montera les deux étages, ensemble ils glisseront la couverture, le pain, les radis, les fraises et une bouteille de mousseux dans le panier, chacun portera une anse et l'après-midi au parc passera vite, si vite. Ils parleront de leurs lectures, et c'est ça qu'elle aime aussi, leurs échanges, Milan Kundera, Truman Capote, la diversité. A eux deux, elle a l'impression qu'ils pourraient enlacer toute la terre. A présent ils marchent dans le soleil déjà bas, elle saute dans un métro et lorsque plus tard il y aura un prétexte pour se parler encore, elle aimera le son de sa voix, un peu plus grave au téléphone. Peut-être bien qu'elle tombe amoureuse. Lui, on ne sait pas.