dimanche 1 mars 2009

La feuille d'automne emportée par le vent / En ronde monotone tombe en tourbillonnant

Le vieil immeuble gris toussait dans l'air glacial qui sifflait en courant à travers ses fêlures de vieillard tuberculeux. Le vent gambadait gaiement, avec cette brusquerie des jeunes gens roses de santé qui ne sont pas encore conscients de leur force, et parcourait les pièces, virevoltant comme un jeune étalon. Plein de fougue, il frôlait les murs couverts de lèpre, craquelés, souffrants et geignant, se cognait contre une porte fermée qu'il secouait alors vivement, dans un grand éclat de rire. Il jouait aussi avec l'écho, cherchant à faire répéter la plus belle des mélodies. Il se plaisait à siffler un air de danse dans l'entrée. Les délicates feuilles mortes venues se réchauffer quittaient alors leur siège et venaient, dans leur élégante toilette dorée, former une ronde. Le vent tournoyait parmi ces belles, esquissant quelque menuet aérien, en attendant le retour des beaux jours.
Ainsi passa l'hiver gris et sévère. Il passait à travers la ville, dans son grand manteau de laine, appuyant son pas lourd sur une canne lugubre qui résonnait d'un bruit sec et décidé sur le pavé enneigé des ruelles frileuses. D'épais sourcils cachaient à demi son regard dur qui restait figé comme un bloc de glace droit devant lui. Il avançait sans regarder ni à droite, ni à gauche, sans prendre le temps de s'asseoir un instant au bord du chemin pour souffler un peu, sans s'accorder le moindre verre de liqueur dans une chaude taverne. Vagabond austère et solitaire contraint d'errer éternellement sur les terres gelées, il a parcouru la ville, courbé sur son bâton noueux.
Derrière cette ombre triste et silencieuse, galopant d'un rire effronté, le jeune printemps efface les traces de pas que le marcheur a laissé dans la neige molle. Bruyant d'une gaieté insouciante, il frappe aux fenêtre avec son sourire rayonnant de joie de vivre. Ses joyeuses promenades le mènent sous les fenêtres mortes d'une bâtisse fade comme le brouillard d'automne. Ne voyant personne, le prince vert se faufile furtivement à l'intérieur et glisse contre les murs malades à la recherche d'une bonne âme à qui faire la risette. Enfin il découvre une pauvre petite racine qui pleure doucement, si mal en point! brune, toute desséchée et grelottant de froid. Pour la consoler, le printemps lui conte de longues histoires qui parlent de lointains pays dans lesquels l'été dure toujours. La petite racine sourit déjà à travers ses larmes. Pour la réchauffer, le jeune chevalier déplace le soleil pour qu'il couvre la demoiselle de son voile orangé et s'envole par la fenêtre dans l'air parfumé de lilas.
Le vent, croyant avoir entendu un bruit, laisse là ses belles amies et leurs volants de mousseline, et part s'informer, ravi de cet évènement inattendu qui vient pimenter son quotidien. Il grimpe les escaliers grognons, ouvre les portes, s'élance avec fracas dans les pièces et se heurte inlassablement au vide cynique qui rit de lui dans sa méchante barbe jaune et filasse. D'où vient donc la rumeur qu'il avait entendue? A-t-il rêvé? Le vent se désespère. Las et fatigué de ses déceptions, il passe le seuil d'une misérable chambre de bonne, oubliée depuis de nombreuses générations. Il lui semble que quelque chose n'est pas à sa place... Là! les rayons du soleil ont bougé! Ils dessinent leur rectangle de miel lumineux dans un coin reculé de la pièce. Au milieu de ce nectar tiède, une petite créature chétive tremble timidement devant lui, avec un regard interrogateur. Intrigué par cette nouvelle pensionnaire, le vent s'approche de cette frêle jeune fille à l'habit d'un joli vert tendre et fragile.
C'était une jeune pousse de rhubarbe assise entre les pierres du vieux mur fatigué.

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