mardi 22 juin 2021

Fin juin, quel moment délicieux, la canicule, les soirées tièdes, fenêtres grandes ouvertes, il y a encore cours mais plus vraiment, et puis ce sentiment de réussite, on a encore bouclé une année, on rêve à tout ce que l'on accomplira durant l'été, et puis finalement non. 

L'on a acheté un minuscule sac à dos tortue pour l'enfant qui a sa première course d'école. Le garçon fait des pop-corn au caramel et je joue quelques notes de Beethoven. On est comme de jeunes amants aujourd'hui. Les fleurs blanches se fanent, on a oublié de boire nos cafés.


vendredi 18 juin 2021

 Parfois, au hasard de mes recherches, je pousse la porte d'un de ces lieux d'avant. Ces filles qui avaient vingt-vingt-cinq ans dans les années 2010, des amours souvent un peu bancales, qui révisaient leurs cours en buvant des thés fruits rouges-noisette, portaient des tropéziennes et essayaient de contenir leurs vies débordantes comme elles pouvaient. 

Parfois, l'une d'elle a sauté le pas et publie. Et alors ! quelle sensation folle que de tenir dans ses mains un livre qui nous raconte si parfaitement, nous, ces filles de la toute fin des années 80.

Parfois, l'un de ces lieux d'avant est encore habité, et on sait alors qu'un peu de cette fougue juvénile remue encore sous la surface lisse de cette vie en apparence bien rangée.

Ici, il y a un enfant à la crèche, un bol de fraises un peu trop mûres et un bouquet d'anniveraire jaune-voilet-blanc (je déteste les fleurs blanches). Un manuscrit à corriger, un agenda trop rempli, des élèves de piano, cet après-midi. Et un peu de cette fougue, je l'espère

dimanche 22 décembre 2019

[ Suite au retour de Marie sur son blog, je me suis demandée si cet espace existait toujours. Et je suis tombée sur ce texte, rédigé en été 2015 et jamais publié. ]

Un autre coucher de soleil, presque huit mois plus tard et 30º de plus au thermomètre, un peu plus haut sur le Bosphore. Au téléphone, je reçois les instructions pour trouver la maison familiale, perchée sur les hauteurs d'Üsküdar. Il n'y sera pas ce soir, ce soir je serai accueillie par des gens que je ne connais pas, réfugiée chez des réfugiés. Les bras ouverts, les mots se chevauchent en arabe, en russe et bulgare, en anglais, et puis en français et en italien, famille cosmopolite, la mère prépare le thé, celle qui porte le voile me fait goûter les baklavas syriens, et puis je te montrerai les photos que j'ai prises, à Damas, en Jordanie, et ici, à Istanbul. Tamam mı? - Tamam. Il appelle, grimpe sur le toit depuis la terrasse, tu verras tout Istanbul. Je grimpe sur le toit, le Bosphore à mes pieds, le pont illuminé, la tour de Galata, les paquebots au bruit sourd. Le ciel, la nuit.

samedi 28 février 2015

Istanbul en hiver







I had to deal with a lot of pressure
Christmas alone
a better life
– and yet you will succeed
 
my body feels exiled from yours
music is a need
travels
our mutual art project
and we live for
that



 

jeudi 13 novembre 2014

Bergama, Turquie
Pentax Super A / Ilford 125


yellow leaves and wandering clouds
correspondance entre Vienne et Istanbul.


istanbul
you came to that flat next to the austrian hospital, just to 
have a cup of tea, but 
went out the following morning 
wearing 
the very same clothes than the evening before

the silence was deep
and heavy like a wool blanket on your body
– on cold winter nights
I went to the sea and the shore
was completely empty
a solitude
I felt strange, one
of these feelings that you can't make sense of
it is strange that
the idea that we are nothing in the world
provokes such a feeling of happiness

at the same time I have a 
tremendous 
energy to do new things
it is hard to 
find the right way to 
write about this, even more 
in english
the hardest part for me 
is the start

we only care about people who share the same
ethnicity, religious belief, ideology, etc.
with us
they have to share something
with us
otherwise they are not eligible for our compassion
I was moved
when
I saw you sleeping that very morning and
I am happy that I can find
those emotions
again in the picture


samedi 11 octobre 2014

Beyoğlu, Istanbul. Septembre 2014.

Il dormait profondément. Je chantait pourtant en préparant le café et en lavant la vaisselle du soir précédent. Il dormait tout habillé, avec ses chaussettes dépareillées, roulé en boule sur le canapé, son grand corps frêle et ses boucles abondantes, et l'arrête du nez si incroyablement fine, entre les yeux, si délicate qu'il me semblait pouvoir voir au travers.

Il dormait sur le sofa, la guitare à ses pieds sur le parquet foncé. Sur la table basse il y avait une plante contre les moustiques et puis son cendrier plein de mégots. C'est peut-être là que ça a commencé. J'ai voulu me souvenir de ce matin-là et je me suis approchée sans bruit avec mon Pentax. J'ai sursauté lorsque le miroir a brusquement pivoté, mais lui n'a pas bougé. Il ne sait rien encore, il a continué de dormir tout habillé sur le sofa, et moi maintenant, je croise les doigts pour que la photo ne soit pas ratée.

mercredi 8 octobre 2014

Stara Planina, massif des Balkans, Bulgarie 2014

Il disait aimer Camus et Dostoïevski, alors j'ai dit oui.
Je portais une robe en maille noire et blanche, doublure bleu nuit et lui une veste en cuir élimé et des chaussures de montagne. On a traversé le canal, lui portait sont gros sac à dos à armature, moi je poussait mon vieux vélo blanc Peugeot. On a improvisé un curry tofu-légumes et on est ressorti dans la nuit humide, le long du canal puis au coeur de la ville pour essayer d'extraire l'essence de Vienne. Au café anarchiste Rasputin, je bois ma demi citron en me demandant qui il est, ce garçon qui s'apprête à traverser l'Asie au gré des saisons, des portes ouvertes et des voitures qui s'arrêtent au bord de la route. 
Il passera une journée entière à écrire et réfléchir sur le cosmopolitisme de Berlin, et le dimanche, au Belvédère, il demande à repasser encore une fois la salle avec les Klimt. Devant le Baiser, je doute que la femme aie vraiment envie que l'homme l'embrasse, mais oh si, il dit, elle est tellement heureuse, tellement amoureuse.
Le matin, je le réveille en jouant Beethoven, la journée il se perd dans les rues, et le soir, nous cuisinons à quatre mains en écoutant Eroll Garner, avant de regarder des Louis de Funès ou des Fernandel, en rejouant à plusieurs reprises les scènes qui nous font le plus rire.
Un matin, il doit partir, parce que je m'en vais. En revenant le long du canal, je suis seule, je porte une autre robe. L'appartement est immobile et–
Le soir, je retrouve le garçon dans un café, il loge chez une amie en attendant de quitter Vienne. On se souhaite mutuellement bon voyage, et il dit en plaisantant dis-moi quand tu es de retour, si ça se trouve, je serai encore en train de lever le pouce aux portes de la ville. 
Pourquoi pas ?